Publié le 23 décembre 2025
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Portrait d’un alumni : Noémi Sponga, UX designer
Entretien réalisé par Alice Bély le 16 mai 2025, dans le cadre de son projet de diplôme de DSAA graphisme, promotion 2025.
À quoi ressemble ton parcours ?
Je suis arrivée à l’ésaat à quinze ans, au lycée, en arts appliqués. J’ai eu mon bac il y a dix ans et je suis restée deux ans en BTS design imprimé. À l’époque après le BTS on pouvait partir en Erasmus un an. Je suis donc partie vivre en Norvège où j’ai fait un Bachelor en médias et journalisme. J’avais des cours où j’ai appris à coder, à faire de la stratégie du design, à faire de la photo et du print.
Ensuite, l’endroit où j’avais fait mon stage m’a rappelé, c’était la maison d’édition Hachette. Du coup je suis rentrée un peu plus tôt de Norvège pour aller directement en CDD à Paris. J’ai beaucoup appris, j’étais spécialisée dans les livres pour enfants mais on ne voyait jamais d’enfants, ce qui était assez frustrant. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à me dire que ça serait intéressant de travailler avec les utilisateurs.
C’est là que cette frustration a commencé, en sachant que j’avais commencé à faire un peu de stratégie de recherche en Norvège. Suite à ça est arrivé le moment où j’ai postulé dans plein de formations de master en UX mais ce n’était pas possible avec le niveau BTS. J’avais postulé à quelques DSAA mais ça ne m’intéressait pas plus que ça et à la fin de l’été je me suis retrouvée sans rien. À ce moment-là, Hachette m’a proposé de m’embaucher mais j’avais envie d’aller plus loin qu’un BTS.
Je me suis donc inscrite à la licence d’art plastique de la Sorbonne qui pouvait se faire à distance. Je suis restée dans le Nord à ce moment-là, chez mes parents et j’allais presque toutes les semaines à Paris pour me faire de l’expérience sur de l’UX. Je faisais énormément d’hackathons. Ça vient du milieu du développement, ce sont des sessions qui durent entre un week-end et une semaine. L’idée c’est d’arriver avec une idée qu’on sort à la fin. On ne dort pas beaucoup, c’est dans une atmosphère de Start-up, de synergie d’équipe, c’était en 2019, une période où ça se développait beaucoup. J’étais une des seules designers, sinon il y avait beaucoup de personnes qui faisaient du développement.
Qu’est-ce que cette dynamique t’a apporté ?
Le fait de bosser avec ces gars-là m’a permis de me faire repérer par les gagnants des hackathons. J’ai commencé à travailler pour celui qui avait gagné. À ce moment-là, je me dis let’s go, on y va, on vit des trucs, à tel point que j’ai failli ne pas avoir ma licence du tout parce que j’étais tout le temps sur Paris à créer des interfaces, des concepts, des ateliers.
Mon profil fait qu’on avait tendance à me dire que je n’étais pas assez créative du côté art plastique et en même temps, du côté gestion de projet, j’étais trop créative. J’avais un profil un peu ambivalent qui fait que l’UX était cohérent parce qu’il faut être dans la structure, la recherche et en même temps être créatif pour trouver des solutions.
À ce moment-là, on est en mars 2020, moment du Covid (une petite aventure dont certains français se rappellent). Je décide d’arrêter avec les gars de la start-up parce que la vie et le travail sont vraiment trop mélangés. C’est aussi un milieu très masculin et bizarre, donc j’arrête avec eux et je me dis que ce serait peut-être bien que je commence à taffer sur ma licence parce que pour l’instant je n’avais encore rien fait du tout, donc je charbonne sur ma licence. Une fois que je l’ai, je me dis que j’ai envie d’être UX designer, c’est officiel. Je fais en sorte de le devenir en postulant dans des écoles privées parce que je me rends compte qu’il faut absolument avoir de l’expérience terrain et que tu n’as pas le choix si derrière tu veux être intégrée au monde du travail.
J’arrive à avoir une alternance dans une start-up en tant que directrice d’expérience client. C’est une boîte qui faisait des barbecues en France. Ils avaient besoin de quelqu’un qui avait une vision créative et en même temps un côté très structuré. C’était très intéressant parce que je touchais à tout, mais ça avait ses limites parce que je devais être disponible le soir, le week-end. Ma conclusion sur les startups c’est qu’en général, c’est un environnement toxique, très peu cadré mais où tu apprends beaucoup. C’était difficile mais ça m’a forgé un caractère, maintenant je me laisse vraiment plus faire. Ça reste quand même très intéressant, mais quand ils m’ont proposé un CDI là-bas, j’ai dit non.
Suite à ça quand j’ai été diplômée, je suis partie dans un gros stress de trouver un travail. J’ai trouvé quelque chose en quatre mois. Je suis sortie des études avec un complexe de l’imposteur : est-ce que je suis assez bonne dans ce que je fais ? J’ai commencé à acheter énormément de livres pour être davantage calée sur la théorie et pouvoir plus justifier les choses. J’ai trouvé du travail dans une agence parisienne, où il y a soixante personnes. On m’a mis directement sur de très gros projets où j’en étais responsable et où je ne savais rien faire mais je me suis débrouillée et j’y suis encore, ça fait trois ans.
À quoi ressemble ton travail quotidien sur les applications ?
Concrètement, je regarde ce qui est déjà en ligne et je vérifie si ça correspond à mes maquettes. Pour les applications, je passe des moments à faire des maquettes de façon très concrète. J’essaye de les mettre à jour et que tous les composants soient bien reliés entre eux. Je passe aussi des moments à les présenter aux utilisateurs pour qu’on se mette d’accord sur leurs besoins.
En fonction de leurs retours, je fais ce qu’on appelle du live design, c’est-à-dire d’échanger avec des utilisateurs lors de réunion, de leur présenter tes maquettes, et de pouvoir répondre en live aux problèmes qu’ils soulèvent. Pour pouvoir faire ça, il faut être cadré, structuré, savoir de quoi on parle et aussi réussir à embarquer les gens. Puisque tu échanges avec eux pendant 1h30, c’est important de réussir à maintenir leur attention. Tu leur parle de choses un peu lourdes, ils ont d’autres choses à faire, donc il y a pas mal de stratégies de communication à mettre en place. C’est important de faire des retours sur les avancées, de montrer que tu as pris en compte leurs dernières remarques, de citer des prénoms, de montrer que tu t’intéresses à eux. Avec ces bases, par la suite, on peut commencer à se mettre à l’aise. Je prends ça comme du stand-up, pour une animation, ce qui fait que les gens sont contents de venir parce qu’ils savent qu’ils ne vont pas s’ennuyer. Les rencontres utilisateur, c’est ce que je préfère dans mon métier.
À quoi ressemble ton espace de travail ?
J’ai eu une relation assez toxique avec mon travail pendant très longtemps, notamment en raison de l’investissement que j’y mettais pour des personnes qui avaient des techniques de management par la culpabilisation, qui fonctionnent extrêmement bien sur moi. Une fois que j’ai compris ces mécanismes, j’ai pu remettre en question ma relation au travail. Malheureusement, j’ai dû faire un arrêt pour me rendre compte, mais maintenant j’accorde beaucoup plus d’importance aux temps de repos. J’ai également fait évoluer mon travail. En travaillant pour EDF, même en ayant deux applications en même temps, je prends le temps de bien faire les choses.
Au fur et à mesure, j’ai appris à mettre énormément de distance et à structurer mon temps de travail sur des taux de temps horaires donnés, pas plus, pas moins. Pour autant, je reste passionnée par mon travail. Quand j’étais en arrêt, j’avais totalement commencé à entreprendre des démarches pour faire un autre métier. Finalement je me suis posée et je me suis dit : en vrai, j’adore mon métier, c’était la manière dont on me demandait de le faire que je n’aimais pas.
D’un autre côté, tu es obligé de te soumettre à ça pour avoir une stabilité et une sécurité financière. En plus de ça, le travail c’est un lien social donc ça dépend énormément des gens avec qui tu travailles. Par rapport à ça, le côté distanciel m’a vraiment sécurisé. Grâce à ça les ragots d’agence n’existent pas. Je suis là pour faire mon métier et pour le faire bien, sans me prendre la tête. Pour autant, il y a une invisibilisation de mon travail quand je suis à distance, ce qui fait que ma surcharge est invisible à part quand je viens sur site.
Tu arrives à faire la part des choses entre pro et privé en restant chez toi toute la journée ?
J’ai appris à le structurer. Le fait de m’asseoir sur cette chaise et d’être face à cet écran, ça veut dire que c’est le travail. Quand c’est le week-end, mon grand écran est retourné. Il est blanc, mon mur est blanc, ça veut dire que c’est le week-end. Bien sûr, tu es obligée d’avoir une sorte d’organisation dans ta propre vie. Le matin, je ne vais pas travailler si je n’ai pas fait mon yoga avant.
À la fin de la journée, j’éteins mon ordinateur, je range mon appartement et il faut que j’aille marcher. Je fais aussi attention à prendre de vraies pauses le midi. Tu es obligé de te mettre une rigueur pour ta santé mentale. Ce que j’aime beaucoup avec le télétravail c’est que pour moi, le travail n’est qu’une tâche dans ma journée parmi tant d’autres. Le fait de ne pas avoir de parcours maison-travail me fait gagner du temps de vie.
Est-ce qu’il t’arrive de travailler avec d’autres personnes ?
En agence, tu travailles tout le temps en binôme avec un UI designer. C’est intéressant parce que ça permet d’avoir une double vision. Tu as aussi la vision d’un autre créateur qui va ajouter sa patte. Ne serait-ce que pour les choix colorimétriques, moi je vais être par défaut sur ce qui est accessible, ce qui fonctionne avec l’identité graphique alors que l’UI designer va aller plus loin. Il va dans un autre niveau de détail en pensant par exemple aux différents états d’un bouton…
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